L’influence des agents immobiliers sur les prix du logement
L’agent immobilier, en tant qu’intermédiaire, facilite la mise en relation entre vendeurs et acquéreurs de biens immobiliers. Dans le cadre d’une prestation de services, le praticien accompagne la fixation du prix de vente. Pour ce faire, il considère les attributs du logement, les conditions du marché, le profil du vendeur, la concurrence avec les autres intermédiaires, les outils technologiques à sa disposition et s’appuie sur son expérience personnelle. Face à la complexité de ces multiples considérations, comment les agents immobiliers procèdent-ils pour établir le prix d’un logement ? Si le prix hédonique d’un logement se fixe à partir de ses caractéristiques et des conditions du marché, comment, dans les faits, les intermédiaires immobiliers arbitrent-ils entre l’application de ce principe théorique, d’une part, et la prise en compte de leurs propres intérêts et limites, d’autre part ? Finalement quel est l’impact des intermédiaires sur les prix du marché immobilier ? Cette recherche montre qu’au-delà de l’analyse de l’interaction entre l’offre et la demande, le professionnel recourt à un ensemble de règles implicites, établies individuellement ou collectivement, afin de formuler un prix « satisfaisant » (H. Simon) pour l’ensemble des acteurs impliqués dans la transaction, y compris lui-même. Plus précisément, l’agent immobilier écarte le bien de sa supposée « valeur intrinsèque » (E. Fama) tout au long du processus de fixation du prix. Tout d’abord, le prix estimatif est calculé à partir d’une information imparfaite et de décisions subjectives ou biaisées. Ensuite, motivée par l’intensité de la concurrence entre intermédiaires, une pression à la hausse exercée sur le prix affiché se répercute dans le prix final. Pour aboutir à ce dernier, l’agent immobilier, en réponse à ses impératifs de rentabilité, incite fortement les vendeurs à revoir leurs attentes à la baisse. Par conséquent, l’étude de l’impact de l’agent immobilier sur le prix d’un logement montre que le marché ne corrige pas la subjectivité des acteurs, mais s’en alimente. Dans la lignée des travaux de Keynes et de Shiller, relatifs aux dimensions psychologique et sociale des marchés, ce sont les acteurs qui construisent les prix sur le marché immobilier plutôt que les prix qui coordonnent les acteurs en s’imposant à eux. Cette recherche se concentre sur le marché résidentiel formé par 33 communes du Val-d’Oise. Selon une démarche méthodologique mixte, elle exploite des entretiens semi-directifs (n=16), les données internes d’une agence immobilière (n=585 mandats), une revue de la presse spécialisée (n=578 articles) et de la communication institutionnelle (n=63 communiqués de presse d’organisations professionnelles) ainsi qu’une base de prix agrégés (n=1970 transactions) pour étudier les pratiques professionnelles des agents immobiliers. Le cadre théorique convoqué combine la rationalité procédurale et la théorie des conventions pour comprendre le processus de décision, tant à travers les choix individuels que les interactions sectorielles. Ce travail aboutit à la formulation de recommandations destinées aux acteurs publics chargés d’améliorer le fonctionnement du marché immobilier.
Mots-clés : Immobilier, Prix, Intermédiation, Théorie des conventions, Heuristique, Biais cognitif, Méthodologie mixte