Chasser les morts de la Shoah, itinéraire de Leo Katz, des confins austro-hongrois à l’exil
Leo Katz (1892-1954) fut un journaliste communiste né dans une famille hassidique de Bucovine, province la plus orientale de l’empire d’Autriche. Très peu connu en France, largement méconnu dans les pays de langue allemande, son nom apparaît néanmoins dans diverses publications traitant de l’exil germanophone pendant la période nazie. Pourtant, Leo Katz mériterait d’être reconnu comme romancier de la Shoah : il est l’auteur d’un roman, Totenjäger (Chasseurs de mort), qui peut être considéré comme l’un des tout premiers écrits fictionnels mettant en scène la disparition des Juifs d’Europe. Il conçut le roman en temps réel depuis son exil mexicain. Écrit entre 1942 et 1943 à partir des informations disponibles à Mexico et des souvenirs de l’auteur, Totenjäger, témoignage fictionnel à distance, fut publié dès janvier 1944, bien avant la fin de la guerre. À cette particularité, qui fait de Leo Katz et de Totenjäger un sujet d’étude singulier, s’ajoute le choix significatif du lieu de l’intrigue : ce sont en effet les Juifs de Sereth, la ville de son enfance en Bucovine, dont Leo Katz décrit le destin. Bien que marqué par la rhétorique communiste et l’espoir incarné par l’URSS, Totenjäger renvoie de Leo Katz le reflet d’un homme aux fidélités sans concession ni contradiction profonde, malgré les apparences : militant communiste de stricte obédience stalinienne, il ne renia aucun pan de sa vie, et revendiqua par le choix du topos « Sereth » ses origines juives, celles d’un enfant de la Fin de Siècle habsbourgeoise. Leo Katz était un Altösterreicher communiste. Cette thèse tend à ressembler à son sujet : hybride, elle embrasse l’histoire et les études germaniques et juives pour faire rentrer Leo Katz dans l’historiographie française de la littérature de la Shoah.
Mots-clés : Leo Katz, Bucovine, Shoah, Exil, Mexique, Études germaniques