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\nUn domaine à garder : la province iranienne d’Ourmia face aux ambitions ottomanes et russes (1905-1912)
Alors que l’Iran Qajar [1786-1925] connaît, au tournant du XXe siècle, une situation de faiblesse militaire, de faillite financière, et d’instabilité politique fortes – culminant pendant la révolution constitutionnelle de 1905-1911 – l’Empire Ottoman engage en 1905 une occupation des régions iraniennes d’Ourmia et de Savoudj-Bulaq, à la frontière ouest de la province d’Azerbaïdjan, qui ne s’achève qu’en 1912. Cette entreprise implique certes une progression territoriale de l’armée ottomane, mais avant tout un effort de ralliement des tribus kurdes iraniennes de la frontière, au nom d’un discours de protection des populations sunnites contre l’Etat Qajar. Cette politique fonctionne largement, nombre de ces tribus entretenant un rapport d’hostilité croissante envers le pouvoir Qajar depuis les années 1880.
Fracturé par la révolution constitutionnelle, l’Etat iranien ne parvient pas à s’opposer à cette invasion, tant le rapport de force lui est militairement défavorable. Les différentes populations des régions d’Ourmia et de Savoudj-Bulaq – Turcs Afshars, Assyriens, Arméniens et Kurdes – se retrouvent ainsi sans véritable soutien de Téhéran, ni de Tabriz, durant cette crise. Qu’il s’agisse de tentatives infructueuses de résistance militaire à l’échelle locale, ou d’efforts diplomatiques vains, la région en question subit l’occupation ottomane sans moyens sérieux d’y mettre fin. Ce n’est que l’intervention militaire de la Russie dans la province d’Azerbaïdjan, une première fois de façon partielle à partir d’avril 1909, puis de façon complète à partir de décembre 1911, qui conduit à la retraite de l’armée ottomane en novembre 1912.
À travers l’étude de cette crise, ce travail se propose d’éclairer l’incapacité de l’Etat Qajar à protéger ses « Domaines gardés » à la veille du conflit mondial, faillite politique et militaire qui marque les trois dernières décennies de l’histoire de la dynastie. De même, il se propose d’étudier à partir de cette situation les rapports, en ce début de XXe siècle, des populations tribales de la frontière irano-ottomane, en particulier kurdes, à cet Etat Qajar pour lequel la relation avec le monde tribal nomade est une nécessité de stabilité. De manière secondaire, ce travail propose une étude sur un aspect peu connu de la politique de l’Empire Ottoman hamidien, puis unioniste, vis-à-vis de l’Iran voisin.
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