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Un hydrosystème menacé : la rivière Falémé (haut bassin du fleuve Sénégal), entre mines d’or et difficile gouvernance transfrontalière
La rivière Falémé, affluent de rive gauche du fleuve Sénégal, couvre un bassin versant de 28 900 km² qui s’étend sur les républiques du Mali, du Sénégal et de la Guinée Conakry. Depuis les années 2000, les parties malienne et sénégalaise du bassin de cette rivière, riches en ressources aurifères, abritent des activités d’exploitation de ce minerai. L’arrivée de compagnies minières européennes et américaines, d’artisans miniers autochtones et de la sous-région ouest africaine et récemment de mineurs chinois, donne lieu à une exploitation multiforme de types industriel, artisanal et semi mécanisée. Cette multiplicité de l’exploitation de l’or le long de la Falémé s’accompagne d’effets négatifs sur la rivière. Ainsi, des discours émanant des politiques et des médias du Mali et du Sénégal, accusent les artisans miniers, à travers leurs pratiques d’exploitation inadaptées, d’être exclusivement à l’origine des impacts négatifs sur cette rivière. En se basant sur l’approche de la Political Ecology, cette thèse tente de montrer que, contrairement aux discours avancés, la dégradation de la rivière Falémé, au-delà de l’exploitation artisanale de l’or, est le résultat des opérations des mines d’or industrielles et semi-mécanisées, ainsi qu’aux défaillances notées dans les politiques de régulation environnementale des activités minières aurifères. La méthodologie adoptée, comme en Political Ecology, confronte les discours aux vérités environnementales scientifiquement établies. Elle associe la recherche documentaire, l’analyse des discours, les mesures de terrain, le traitement d’images, les observations et enquêtes de terrain. Des entretiens avec 95 personnes sont effectués et des questionnaires administrés à 314 personnes, dont 230 autochtones (agriculteurs, éleveurs, pêcheurs) et 84 orpailleurs. L’analyse des discours, faite avec IraMuTeQ, a porté sur 75 articles de journaux et 95 textes issus des entretiens. La détermination des teneurs en mercure et cyanure dans les eaux de la rivière et les sédiments, est faite avec des tests à bandelettes réactives et un photomètre IDip. Un traitement statistique est également utilisé pour déterminer la quantité de boue dans l’eau, le volume d’eau et la quantité de cyanure utilisés par les entreprises minières. En plus, un traitement d’images Landsat de 2000 et 2020, permettant de déterminer l’évolution du couvert végétal, des superficies d’eau et des sols nus, vient compléter cette palette de méthodes. Les résultats montrent des teneurs élevées en mercure et en cyanure dans les eaux et les sédiments de la moyenne Falémé, des berges détruites et un lit de rivière excavé par endroit, des eaux de surface chargée de boue, un recul de la couverture végétale, une faune aquatique qui disparaît et des activités agropastorales qui reculent. Il ressort également des résultats que les pratiques des mines industrielles et celles semi-mécaniques participent au même titre que les mines artisanales aux impacts négatifs de l’exploitation de l’or sur la Falémé. De plus, les États ont mis en place un cadre réglementaire solide et des institutions qui doivent assurer la protection de l’environnement, mais l’application des dispositions fait défaut sur le terrain. Ces limites en termes de réglementation sont exploitées par les mineurs, ce qui donne lieu à une exploitation anarchique de l’or, préjudiciable à la rivière, d’où sa gouvernance difficile. Les résultats ont montré aussi, que des initiatives pour la préservation de cette rivière face à la croissance de l’exploitation de l’or, sont prises par les États, l’OMVS et la société civile, mais elles ne bénéficient pas encore de synergie aboutissant à un résultat positif.
Mots-clés : Exploitation aurifère, Impact environnemental, Rivière Falémé, Bassin Sénégal, Mali, Sénégal