Soutenance de thèse de Mme Mira DAVID

Thèse de doctorat en Ethnologie

De nomade à entrepreneur : Le tourisme international du désert au Maroc (Merzouga). Les dynamiques familiales imazighen

Merzouga est un village oasien situé dans le Sahara du sud-est marocain, l’un d’une dizaine d’autres créés par des nomades Aït Khebbach sédentarisés sur leur terre tribale, dans la commune rurale de Taouz. Ses quelque 9 000 habitants s’inscrivent dans un processus de sédentarisation amorcé sous la colonisation française, qui a poussé les populations à trouver des alternatives au mode de vie nomade. Depuis les années 1970, le tourisme s’est progressivement développé dans la région. Ce secteur, désormais d’ampleur nationale et internationale, est devenu l’une des principales ressources économiques locales. Selon la saison, environ 12 000 touristes par mois visitent notamment l’Erg Chebbi, attirés par une gamme d’activités (nuits dans des bivouacs, promenades à dos de dromadaire, bains de sable, spectacles de musique gnawa, randonnées en quad, etc.).
Les études sur le tourisme trouvent souvent leur origine dans les théories de l’« impact », qui postulent une implantation extérieure de l’industrie touristique, en laissant peu de place aux populations locales dans les processus décisionnels. Cette thèse propose une approche alternative, axée sur l’adaptation du secteur touristique aux institutions et savoir-faire existants, ainsi qu’à la construction identitaire des acteurs locaux.
Elle interroge ainsi le passage des Aït Khebbach du nomadisme à l’entrepreneuriat touristique. En analysant leur processus de sédentarisation inachevé, la contribution d’un savoir-faire nomade, d’une organisation en économie familiale, et d’une construction de l’altérité à travers les identités tribales, cette recherche propose de décrire les familles imazighen non pas comme victimes des processus de mondialisation, mais comme actrices de leur propre trajectoire d’adaptation.
Cette thèse s’appuie sur des données ethnographiques recueillies lors de deux années de terrain, passées en grande partie auprès des familles Aït Khebbach. L’enquête s’est fondée sur une diversité de méthodes : participation à la vie quotidienne des familles qui suivent des modes de vie différents (la tente nomade, des villages reculés ou bien desservis, ville), accompagnée d’entretiens formels et informels. Un an et demi a été passé à Merzouga où des entretiens guidés avec des acteurs dans des structures touristiques variées. Une partie du terrain était fait chez une famille particulière de la région, qui possède une agence, un bivouac et un hôtel à Merzouga. Ainsi, des données mobilisées lors de cette thèse, issues de l’observation participante, viennent du travail sur leurs lieux touristiques et domestiques pendant une période de neuf mois.

Mots-clés : Nomadisme, Tourisme, Imazighen, Organisation familiale, Entreprenneurs, Sahara, Maroc


From nomad to entrepreneur: international desert tourism in Morocco (Merzouga). Amazigh family dynamics

Merzouga is an oasis village located in the southeastern Moroccan Sahara, one of about ten others established by Aït Khebbach nomads who settled on their tribal lands, in the rural commune of Taouz. Its roughly 9,000 inhabitants are engaged in a sedentarization process that began under French colonial rule, which prompted local populations to seek alternatives to the nomadic way of life. Since the 1970s, tourism has gradually developed in the region. This sector, now of both national and international scope, has become one of the main local economic resources. Depending on the season, around 12,000 tourists per month visit the Erg Chebbi, drawn by a variety of activities (overnights in desert camps, camel rides, sand baths, Gnawa music performances, quad biking, etc.).

Tourism studies often rely on “impact” theories, which conceive of the tourism industry as an externally implanted sector, granting little agency to local populations in decision-making processes. This thesis proposes an alternative approach, focusing on how the tourism sector adapts to existing local institutions and know-how, as well as to the identity construction of local actors.

It examines the transition of the Aït Khebbach from nomadism to tourism entrepreneurship. By analyzing an unfinished process of sedentarization, the contribution of nomadic know-how, family-based economic organization, and the construction of alterity through tribal identities, this research seeks to portray Amazigh families not as victims of globalization processes, but as active agents shaping their own adaptive trajectories.

This study draws on ethnographic data collected over two years of fieldwork, spent largely among Aït Khebbach families. The research employed a range of methods: participation in the daily lives of families following different lifestyles (nomadic tents, remote villages, well-connected villages, urban settings), complemented by formal and informal interviews. Eighteen months were spent in Merzouga, where structured interviews were conducted with actors involved in various tourism-related enterprises. Part of the fieldwork was carried out with a particular family from the region, the Aït Bo, who own an agency, a desert camp, and a hotel in Merzouga. The data drawn from participant observation include nine months of work in their tourism and domestic settings.

Nomadism, Tourism, Amazigh, Family Structures, Entrepreneurs, Sahara, Morocco