Soutenance de thèse de Mme Miriam BOVI

Thèse de doctorat en Philosophie politique

Rencontre des migrations. Narrations mobiles et actions cosmopolitiques aux portes de l’Europe

Dans les travaux du philosophe Étienne Tassin – d’inspiration arendtienne – le politique vise un « monde commun » qui s’affranchit des appartenances par un espace ouvert à la confrontation, à la remise en question, à la responsabilité et à l’agir collectif. Pourtant, en dépit des garanties de l’État de droit et du fondement universel des droits de l’Humanité, les discriminations adressées aux étranger.es demeurent évidentes et ce Nous cosmopolitique indépendant des frontières (nationales, européennes, anti-politiques, économiques, religieuses et culturelles), se trouve, de ce fait, privé d’un espace d’expression, socialisation, réalisation et d’action adéquats.

Et si la citoyenneté, ainsi que les voies de déplacement et les statuts `régulier.es’, n’étaient pas exclusivement dépendants d’un lien juridique, économique et identitaire (à la nation, à l’Europe, aux droits du sol ou du sang, au mariage, à la naturalisation) mais avant tout le caractère d’une manière collective d’exister et d’agir – au-delà des frontières et des appartenances – capable d’apparaître dans un espace public ?

La réflexion de Tassin guide l’approfondissement de la pensée politique puisqu’il a été capable de réinventer le titre de citoyen.e (et les ordres) en repartant d’un processus de collaboration et transformation réciproque, fondé sur l’égalité des possibilités de vie et la liberté de mouvement. Selon sa vision, en marche avec les idées d’Hannah Arendt, le tissu des relations humaines naissant des actions et des paroles collectives dans un espace public et pluriel, conduit les acteur.es à dépasser les schémas de pensée, sortir de l’invisibilité et accéder à la dimension cosmopolitique.

Les pages de la thèse racontent le dévoilement de la phénoménalité politique par la rencontre, les discours et les actions avec les personnes migrantes traversant les portes de l’Europe, notamment entre Lampedusa et Calais (mais pas seulement). Par portes, nous entendons tant les frontières que les inégalités – aussi bien juridiques que violentes – , ainsi que les justifications économiques et les contenus géoculturels les soutenant, lors de la propaganda et des actes xénophobes.

Nous allons répondre à la racialisation des mobilités par les mots et les histoires des personnes rencontrées, nous présentant un Nous cosmopolitique qui a pris consistance, forgé son espace et ses complexités en ouvrant les portes à une phénoménalité de l’attention à l’égard des migrations (notamment les plus indésirées). Dans cette thèse interdisciplinaire, elle dialogue avec les études méditerranéennes, l’Académie universelle des cultures, les mobility et les subaltern studies autour de la perspective d’une mobilité qui nous définit et donne forme à nos histoires, nos sociétés, nos cultures, nos mondes.

Ici, nous présentons les pas d’une philosophie de terrain située, se construisant – goutte après goutte – autour d’un parcours de co-recherche et d’une sociologie narrative d’une durée de 10 ans. Lors de cet engagement pratique et intellectuel, l’éthique et le respect réciproque (tant dans le parcours que dans les résultats) nous racontent les propos d’une culture-sujet ample et comparative, dérivant des expériences collectives de secours, accueil et du vivre-ensemble dans la dignité.

Entre les murs et les barbelés, à la fois symboliques et réels, les protagonistes des migrations internationales et du principe de fraternité trouvent la force et le courage d’agir ensemble par la création de « leurs propres scènes d’apparition » dans l’espace public, en sortant de l’anonymisation et en se réappropriant, ainsi, du politique. Pour une contre-histoire des migrations et une cosmopolitique de l’action en mesure de transformer les gouttes de la rencontre en une mer qui nous rapproche.

Mots-clés : Migrations, Cosmopolitique, Philosophie de terrain, Co-recherche, Sociologie Narrative, Mediterranean Studies, Subaltern Studies, Calais, Lampedusa, Dambe So


Meeting of migrations
Mobile narratives and cosmopolitical actions at Europe’s doors

In the works of the philosopher Étienne Tassin – of Arendtian inspiration – politics aims at a “common world” that is freed from belonging by an open space for confrontation, questioning, responsibility and collective action. Yet, despite the guarantees of the law’s rule and the universal foundation of humanity’s rights, the discriminations addressed to foreigners remain evident and this cosmopolitical We independent of borders (national, European, anti-political, economic, religious and cultural), is therefore deprived of a space for adequate expression, socialization, realization and action.

And if citizenship, as well as the mouvement’s routes and the ‘regular’ status, were not exclusively dependent on a legal, economic, and identity bond (to the nation, to Europe, to the rights of the soil or blood, to marriage, to naturalization) but above all the character of a collective way of existing and acting – beyond borders and affiliations – capable of appearing in a public space?

Tassin’s reflection guides the deepening of political thought since he was able to reinvent the title of citizen. e (and the orders) starting from a process of collaboration and reciprocal transformation, based on equality of life opportunities and freedom of movement. According to his vision, walking with the ideas of Hannah Arendt, the fabric of human relationships emerging from collective actions and words in a public and plural space, leads actors to overcome thought patterns, move out of invisibility and access the cosmopolitical dimension.

The pages of the thesis tell the unveiling of political phenomenality through meetings, speeches and actions with migrants crossing the gates of Europe, notably between Lampedusa and Calais (but not only). By doors, we mean both borders and inequalities – both legal and violent – as well as economic justifications and geocultural contents supporting them, during propaganda and xenophobic acts.

We will answer to the racialization of mobilities with the words and stories of the people we meet, presenting a cosmopolitical We that has taken on substance, forged its space and complexities by opening the doors to a phenomenality of attention towards migrations. (especially the most unwanted). In this interdisciplinary thesis, she dialogues with Mediterranean studies, the Universal Academy of Cultures, mobility and subaltern studies around the perspective of a mobility that defines us and gives shape to our histories, our societies, our cultures, our worlds.

Here, we present the steps of a field philosophy situated, building – drop after drop – around a course of co-research and narrative sociology lasting 10 years. During this practical and intellectual commitment, ethics and mutual respect (both in the journey and in the results) tell us about a broad and comparative subject-culture, derived from collective experiences of relief, reception and living together with dignity.

Between the walls and the barbed wire, both symbolic and real, the protagonists of international migrations and the principle of fraternity find the strength and courage to act together by creating “their own scenes of appearance” in public space, by leaving the anonymization and thus reappropriating the political. For a counter-history of migrations and a cosmopolitics of action capable of transforming the drops of meeting into a sea that brings us closer.

Migrations, Cosmopolitics, Field philosophy, Co-research, Narrative Sociology, Mediterranean studies, Subaltern studies, Calais, Lampedusa, Dambe So