Quand :
octobre 16, 2024 @ 14:00
2024-10-16T14:00:00+02:00
2024-10-16T14:15:00+02:00
Où :
Université Paris Cité, Campus Sorbonne, Salle de réunion F-673
Galerie Gerson
escalier G2 1er étage, 54 rue Saint Jacques
75005 Paris
Contact :
Dana Richemé
Soutenance de thèse de Mme Dana RICHEME @ Université Paris Cité, Campus Sorbonne, Salle de réunion F-673

Thèse de doctorat de Sociologie, Démographie

Consommer les galettes de “tè”: une passion dévorante de certains Haïtiens en Haïti et dans les diasporas

L’ingestion d’argile est un phénomène d’actualité et représente un enjeu majeur de santé publique. Connue également sous le nom de géophagie, elle représente un danger pour les consommateurs, désignés comme géophages. Les mobilisations contre les conséquences néfastes des pratiques géophages varient entre la bonne ou la mauvaise consommation, entre les degrés ou la fréquence de consommation ou encore entre la quantité ou le moment de consommation (période de grossesse, pendant l’enfance, entre autres). En Haïti, puisque ces pratiques ne subissent pas une forte pression médiatique, elles mobilisent très peu l’attention. Lorsque des articles de presse abordent ce sujet, ils privilégient l’hypothèse de la famine et négligent les connaissances des acteurs sur les risques encourus en consommant de l’argile. Si le commerce d’argile est toléré et, dans une certaine mesure, encouragé par les dynamiques d’un marché informel et par l’absence des politiques publiques de santé en Haïti, la consommation d’argile, notamment des galettes de « tè », est fortement réprimée dans les discours et porte la marque d’un stigmate social. Elle est prise dans une étoffe entre jugement sur soi et contre soi, risque de santé et addiction.

L’observation du comportement géophage de certains haïtiens qui s’affirme dans les discours émiques, en dépit des stigmates et des jugements moraux associés à ces pratiques, a permis d’identifier les facteurs locaux nécessaires à son émergence mais aussi les facteurs qui expliquent sa relocalisation en diaspora, notamment à travers l’immigration haïtienne dans les territoires français et son éventuelle adaptabilité. Cette étude propose d’interroger les pratiques de consommation d’argile dans les contextes haïtiens (en Haïti et dans ses diasporas) et les connaissances des risques de ces pratiques sur la santé des consommateurs en fonction du vécu et des expériences des acteurs impliqués ou non dans ces pratiques. Il vise à montrer aussi comment derrière les simples pratiques de consommation d’argile, se développe un marché d’argile qui s’organise dans la sphère d’une économie de survie et de rente, mais aussi des logiques sociales et sanitaires qui classent et hiérarchisent les géophages. L’observation des pratiques de consommation d’argile dans les terrains haïtiens met en lumière des stratégies de positionnement où l’affirmation du comportement géophage de chaque acteur s’explique par sa compréhension des enjeux, ses trajectoires, mais aussi par des envies dévorantes (voire un comportement addictif) et des besoins de reconnaissance dans ses relations sociales locales.

Mots-clés : Addiction, diaspora, galettes de « tè », géophagie, Haïti, passion dévorante, pratiques géophages


Consuming mud cookies: A consuming passion of some Haitians in Haiti and in the diasporas

The ingestion of clay is a current phenomenon and represents a major public health issue. Also known as geophagy, it represents a danger to consumers, referred to as geophages. Movements against the harmful consequences of geophagous practices vary between good or bad consumption, between the degrees or frequency of consumption or between the amount or time of consumption (period of pregnancy, during childhood, among others). In Haiti, since these practices are not subject to strong media pressure, they attract very little attention. When press articles address this subject, they favour the hypothesis of famine and neglect the actors’ knowledge of the risks incurred by consuming clay. While the clay trade is tolerated and, to a certain extent, encouraged by the dynamics of an informal market and by the absence of public health policies in Haiti, the consumption of clay, especially mud cookies, is strongly repressed in speeches and bears the mark of a social stigma. It is caught in a bind between judgment towards oneself and against oneself, health risk and addiction.

The observation of the geophagous behaviour of some Haitians that is affirmed in the emic discourses, despite the stigma and moral judgments associated with these practices, has made it possible to identify the local factors necessary for its emergence but also the factors that explain its relocation in the diaspora, especially through Haitian immigration in the French territories and its possible adaptability. This study proposes to question the practices of clay consumption in Haitian contexts (in Haiti and in its diasporas) and the knowledge of the risks of these practices for consumers’ health according to the experiences of the actors involved or not involved in these practices. It also aims to show how behind the simple practices of clay consumption, a clay market is developing that is organised in the sphere of a survival and rent economy, but also social and health logics that classify and prioritise geophages. The observation of clay consumption practices in Haitian lands highlights positioning strategies where the affirmation of the geophagous behaviour of each actor is explained by his/her understanding of the issues, its trajectories, but also by devouring desires (or even addictive behaviour) and recognition needs in his/her local social relations.

Addiction, diaspora, mud cookies, geophagy, Haiti, devouring passion, geophagous practices